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Journal des B.O de Cannes #6 et FIN : dernières partitions entendues avant la clôture

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par Benoit Basirico - Publié le 29-05-2022




Juste avant de poser un regard musical sur le Palmarès, voici un dernier épisode de notre Journal des B.O de Cannes, avec une musique hypnotique de Marc Verdaguer pour un thriller politique envoutant dans le Pacifique, un piano tendre et profond du coréen Jung Jae-il pour une chronique sur des enfants adoptés, ou encore un jazz suave des Tindersticks pour l'errance d'une journaliste américaine en détresse au Nicaragua.

Un des grands chocs de la compétition (avec le HI-HAN de Zkolimowski)) est "Tourment sur les îles" (Albert Serra ). Marc Verdaguer retrouve le cinéaste espagnol Albert Serra après "Histoire de ma mort" (2013), "La Mort de Louis XIV" (2016) et "Liberté" (2019) sur ce film envoutant, à la frontière du thriller politique (avec un extraordinaire Benoit Magimel dans le rôle d'un préfet) et de l'essai poétique. Les images sont tout autant hypnotiques que la musique. Un moment musical offre une scène dansée sur "I Like Your Style" de Freddy Butler. 

Toujours en compétition, Hirokazu Koreeda part en Corée pour "Les Bonnes Étoiles" et fait appel au compositeur de Bong Joon Ho ("Parasite"), Jung Jae-il avec une partition dans le fidèle esprit des musiques du cinéaste, légère, positive, à la fois tendre et pudique, faisant dominer le piano. Comme ce récit sur des enfants adoptés, la musique équilibre l'humeur entre la drolerie et les sentiments. 

Avec "The Stars at Noon" (en compétition), Claire Denis retrouve le duo britannique des Tindersticks (Stuart A. Staples, Dan Mckinna) après "High Life" (2018) et plusieurs autres films depuis leur rencontre sur "Nénette et Boni" (1996). Il s'agit de l'errance d'une journaliste américaine en détresse bloquée sans passeport au Nicaragua. La partition choisit un jazz serein (piano, basse, percussions, saxophone, cuivres) pour illustrer les déambulations fiévreuses du personnage et soutenir avec distance la sensualité de ses rencontres. 

Pour sa première fois en compétition à Cannes, l'américaine Kelly Reichardt présente "Showing Up", chronique sur une artiste déboussolée (Michelle Williams).  Ethan Rose signe une partition double, avec un motif électronique répétitif hypnotique, et une flûte soliste, laquelle semble représenter un oiseau blessé au coeur du récit. Cette musique est surprenante et semble participer à un esprit désorienté. 

Dans les choix instrumentaux forts, nous avons retenu "As bestas" (de Rodrigo Sorogoyen, sélection Cannes Première). Olivier Arson retrouve le cinéaste espagnol après "Que Dios nos perdone" (2017), "El Reino" (2019) et "Madre" (2020). Pour faire exister les intimidations de voisins malveillants à l'égard d'un couple français (Marina Fois, Denis Ménochet) installé en Galice au milieu de la forêt, le compositeur convoque des percussions qui interviennent subitement au milieu d'une scène comme pour destabiliser une serenité, et entreprennent une progression de plus en plus angoissante. S'invite aussi le violoncelle.  • Notre entretien du compositeur.

A mentionner aussi le Saxophone (dans sa version dissonante) dans "Godland" (de Hlynur Pálmason ). Alex Zhang Hungtai, anciennement connu sous le pseudo Dirty Beaches, s'empare de cet instrument pour le drame de Hlynur Pálmason sur un jeune prêtre danois arrivé en Islande qui a pour mission de faire construire une église. La vie au village, avec ses vastes paysages, les visages de ses habitants et son ambiance de western, au rythme des saisons, sont contrebalancés à cette musique qui amène une certaine étrangeté et un climat opressant. On y entend aussi la musique islandaise de ISMUS.

Côté musique préexistante, l'italien Mario Martone en compétition avec "Nostalgia" convoque plusieurs titres atmosphériques de Tangerine Dream pour illustrer le périple de son personnage principal, un homme qui retourne après 40 ans d'absence dans sa ville natale, Naples, et se confronte au passé et à une ancienne relation devenue gênante. Cette musique dessine alors un paysage intérieur, à la fois nostalgique et angoissant, anticipant une menace éventuelle. 

De nouvelles B.O de Cannes sont rendues disponibles (voir les précédentes dans les épisodes précédents de ce journal) : 

"Le Barrage" (premier film de l'artiste libanais Ali Cherri, Quinzaine des Réalisateurs). Robin Coudert signe la musique de ce film tourné au Soudan, près du barrage de Merowe. La partition joue avec les éléments (l'eau, la terre d'argile, le feu...), dans un mélange de sonorités lourdes et aériennes. Elle apparait parcimonieusement pour relater le périple du personnage dans le désert. • Notre entretien du compositeur.

"Un Varón" (premier film colombien de Fabian Hernandez, Quinzaine des Réalisateurs). Les frères  Mike & Fabien Kourtzer signent la musique de ce film sur Carlos, 16 ans, confronté au rite de passage pour devenir un homme dans les rues dangereuses d'un bidonville de Bogota. La partition exprime les dangers de la ville à travers des textures rugueuses (avec une tension de polar), et soutient les déambulations du personnage par des sonorités plus aériennes (guitare, piano, et même des cloches pour évoquer une enfance perdue). Aussi, pour s'associer aux titres de hip-hop entendus par les personnages, les compositeurs entretiennent cette dimension urbaine par des éléments percussifs et lourds. Le film offre par ailleurs une savoureuse scène musicale dansée, avec "Ángel" de Gallego, titre repris en générique de fin. • Notre entretien des compositeurs.

 

"Le Barrage" (ROB) 

"Un Varon" - Kourtzer

"I Like Your Style" de Freddy Butler
dans "Tourment sur les îles" (Albert Serra )

"Stratesfear 2019" de Tangerine Dream
dans "Nostalgia" de Mario Martone

"Ángel" (2007) - Gallego
dans "Un Varón" (Fabian Hernandez ) 

par Benoit Basirico

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